Éducation & Formation

Soutien à La Touline qui aide les jeunes sortants de l’ASE à construire leur avenir

En France, environ 30 % des jeunes de moins de 30 ans qui ont été privés de logement sortent du système de placement en aide sociale à l’enfance (ASE). De plus, ces jeunes sont deux fois plus susceptibles d’être au chômage que la moyenne de la population, avec un taux de chômage de 28 % par rapport à 15 % pour l’ensemble de la population. Pour ces jeunes, l’atteinte de l’âge de 18 ans, souvent synonyme de liberté, représente en réalité un saut dans l’inconnu, car ils sont soudainement contraints à l’autonomie sans préparation adéquate. C’est dans le but de remédier à cette situation que le dispositif La Touline a été créé en janvier 2016 par la Fondation Apprentis d’Auteuil, afin d’accompagner ces jeunes dans leur insertion sociale et professionnelle, et nous sommes fiers de le soutenir.

Discussions avec Alexandre Coiplet, directeur de La Touline à Marseille, Emmanuelle Farrugia, responsable des partenariats en Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), et Mohamed Diawara, un jeune bénéficiaire de La Touline désormais épanoui dans sa vie personnelle et professionnelle.

  • Comment fonctionne exactement le dispositif La Touline ? Quel est son positionnement par rapport aux autres initiatives de la Fondation Apprentis d’Auteuil ?

Alexandre Coiplet : Apprentis d’Auteuil accueille, éduque, forme et insère des jeunes confrontés à l’exclusion sociale, économique et culturelle et soutient les parents dans leur rôle d’éducateurs. Elle s’appuie sur 400 établissements d’accueil et d’hébergement, de formation et de remobilisation, d’insertion sociale et/ ou professionnelle, sur tout le territoire. Elle accompagne chaque jeune dans un parcours personnalisé et l’aide à trouver ses repères. Avec plus de 70 maisons d’enfants à caractère social (MECS), elle allie une expertise pointue et une expérience solide, qui font d’elle le premier opérateur privé en France dans la protection de l’enfance. Le parcours des jeunes dans l’établissement les amène à être de moins en moins accompagnés, au fur et à mesure qu’ils acquièrent de nouvelles compétences et gagnent en autonomie. À 18 ans, ils ont l’opportunité de conclure un contrat d’aide aux jeunes majeurs, leur fixant des objectifs, pouvant aller jusqu’à leur 21e anniversaire. À ce moment, ils doivent très rapidement devenir autonomes, trouver un logement, et plus globalement une place dans la société.

 « Nous jouons un rôle de passeur, de révélateur, en accompagnant le jeune pour qu’il définisse ce qu’il souhaite être, à quel type de métier il se destine. » ​​​​​​​Alexandre Coiplet

Or, étant très souvent isolés, ils se trouvent totalement démunis devant cette injonction de se débrouiller. Faute d’être accompagnés, aidés voire tout simplement écoutés, ils risquent de se retrouver à la rue sans aucune ressource. C’est pour prévenir cette situation alarmante que le dispositif national La Touline a été créé en 2016, avec de premières antennes à Dijon, Paris, Lille et le Val d’Oise. 18 Toulines existent aujourd’hui et maillent la France métropolitaine et ultramarine.

  • Quels sont les principaux axes d’intervention d’une Touline ?

A.C. : Chacune intervient auprès des jeunes de 18 à 25 ans, ayant bénéficié d’une prise en charge en protection de l’enfance, à Apprentis d’Auteuil ou dans un autre établissement de l’ASE, sortis depuis moins de 3 ans. Parmi eux, nos Toulines accueillent bien sûr des ex Mineurs Non Accompagnés (MNA), avec un accompagnement assuré en collaboration avec des experts notamment sur les questions juridiques. Nous sommes entourés par un écosystème de partenaires spécialisés et épaulés par des bénévoles engagés.

Chaque jeune est accueilli dès sa sortie de l’ASE, ou dans les 3 ans qui suivent, et est suivi sur la durée par un référent unique. 

Nous tenons à allier accueil inconditionnel et accompagnement individuel, avec quatre types d’interventions principales :

– nous créons une vraie rencontre avec chaque jeune qui pousse la porte de nos Toulines 

– nous lui apportons de l’écoute et de l’attention, sans jamais le juger ou le contraindre

– nous assurons une mission de sécurisation, à travers la mobilisation de nos travailleurs sociaux, qui aident les jeunes à faire les démarches pour trouver un emploi, demander un logement, mettre à jour un dossier, afin d’éviter que les situations individuelles ne se dégradent

– nous jouons enfin un rôle de passeur, de révélateur, en accompagnant le jeune, s’il le souhaite bien sûr, pour qu’il définisse ce qu’il souhaite être, à quel type de métier il se destine. Nous ne décidons jamais pour lui mais créons les conditions pour qu’il mûrisse son projet selon ses besoins et ses envies.

Emmanuelle Farrugia : J’ajoute que le nom « La Touline » n’a pas été choisi par hasard. Une touline c’est le cordage qui relie le navire au quai ou à un autre navire. Il sert de messager. C’est très symbolique de notre action : le coordinateur ne prend pas en charge le jeune mais le conseille, l’aide à s’orienter. Il mène des démarches avec lui mais pas pour lui. C’est ainsi que nous accompagnons chacun et chacune sur le chemin de l’autonomie.

Le fait d’agir dans un cadre associatif nous donne une grande liberté par rapport à une structure publique. Lorsque nous recevons un jeune pour l’aider à faire son CV par exemple, nous prenons tout le temps nécessaire pour que le CV soit fait. Nous prenons beaucoup de liberté avec la notion du temps : les jeunes que nous suivons ne sortent jamais complètement du dispositif. Même quand ils travaillent, ont leur logement, leur voiture, ils peuvent toujours nous appeler pour un conseil. Nous tenons aussi beaucoup à créer une communauté entre nos jeunes. C’est important de tisser des liens entre eux, en plus de ceux qu’ils ont noués avec nous. Grâce au temps long dans lequel nous agissons, chaque jeune peut changer de posture en s’engageant dans un « accompagnement horizontal » auprès de ses pairs. Tout cela fonde l’état d’esprit unique de notre dispositif !

 

  • Comment évolue La Touline de Marseille depuis son ouverture il y a trois ans ?

A.C. : Nous avons effectivement célébré notre troisième anniversaire. Dès le premier jour, nous avons reçu de très nombreux jeunes, ce qui confirme que notre Touline répondait à un réel besoin. Nous avons aujourd’hui accueilli plus de 200 jeunes. Tous et toutes font partie de notre communauté et nous continuons à les suivre, celles et ceux qui sont en cours d’insertion très activement, d’autres, désormais insérés, de manière un peu plus lointaine, mais nous restons présents.

J’observe qu’il y a de plus en plus de places ouvertes en protection de l’enfance dans les Bouches-du-Rhône et que nous devons donc nous renforcer pour accueillir ces jeunes de plus en plus nombreux à la sortie du dispositif. La difficulté réside dans le fait que nous tenons à maintenir la qualité de l’accueil, de l’écoute et de l’accompagnement apportée à chaque jeune. Il nous faut donc davantage de moyens financiers et humains pour être à la hauteur de l’ampleur de la tâche !

  • Notre fondation apporte son soutien au dispositif dans le cadre de notre mécénat territorial, opérant à la fois au Havre et à Marseille. Que cela vous apporte-t-il ? 

E.F. : La Fondation groupe EDF est partenaire de la fondation Apprentis d’Auteuil depuis plusieurs années. Elle contribue à des programmes pluriannuels, tels que Propulse prépa-apprentissage. Elle a soutenu, en tant que mécène, la création de La Touline du Havre en 2022, en finançant les achats mobiliers et numériques nécessaires au fonctionnement du  local d’accueil à son ouverture, puis a contribué au développement de La Touline de Marseille en 2023. Ce soutien contribue à financer l’accompagnement social que nous dispensons, sans lequel notre dispositif serait une coquille vide.

Au-delà même de ces versements, indispensables pour nous, le mécénat de la Fondation groupe EDF est d’autant plus essentiel qu’il est global et porte sur l’ensemble du dispositif. Le fait d’être soutenu par la Fondation groupe EDF nous aide également dans nos démarches de recherches de financement complémentaires, auprès d’organismes publics comme de mécènes privés. Elle constitue un gage de sérieux, précieux surtout en phase d’amorçage d’un projet. Lorsque nous avons lancé le dispositif La Touline, le mécénat représentait 53 % de nos ressources. Sa part est maintenant ramenée à 37 % car notre dispositif, qui a fait ses preuves, a acquis le soutien d’organismes publics.

J’ajoute que nous nous retrouvons dans le cap fixé par la Fondation Groupe EDF pour son nouveau mandat 2024-2028 « Éclairons les avenirs ». Ces mots, qui résonnent avec notre ambition pour nos jeunes, ont un sens très fort pour nous.

« Nous nous retrouvons parfaitement dans le cap fixé par la fondation Groupe EDF pour son nouveau mandat 2024-2028 « Éclairons les avenirs ». Ces mots ont un sens très fort pour nous. » Emmanuelle Farrugia

Nous sommes encore en début d’année. Quelles sont vos priorités pour 2024 et au-delà ?

A.C. : Ma priorité est de continuer à faire du bon travail alors que nous devons répondre aux besoins d’un nombre croissant de jeunes. Toute l’équipe et moi-même nous efforçons d’amorcer et de faire vivre un cercle vertueux : accompagner de plus en plus de jeunes, ce qui implique de mobiliser de plus en plus de moyens humains pour les accompagner, ce qui nécessite de drainer de plus en plus de moyens financiers, ce qui nous permettra d’accompagner de plus en plus de jeunes et ainsi de suite.

Mohamed, je me tourne vers vous. Vous avez été accompagné par La Touline en 2022 à Marseille. Comment avez-vous découvert La Touline ? Comment l’équipe vous a-t-elle apporté son soutien ?

Mohamed Diawara : J’étais hébergé dans la maison d’enfants à caractère social (MECS) de Saint-François-de-Sales, gérée par Apprentis d’Auteuil. Mon éducatrice Noëlla travaillait également sur le dispositif La Touline. Je croisais également souvent Alexandre, qui est le directeur de l’établissement. Tous deux ont fait le lien et m’ont donné l’opportunité d’être accompagné par La Touline. L’équipe m’a aidé à me familiariser avec l’utilisation de l’ordinateur, pour faire diverses démarches administratives en ligne et remplir ma déclaration d’impôt, mais aussi pour monter un dossier de demande de logement.

« J’ai le sentiment d’avoir trouvé ma place. Je sais que l’équipe de La Touline reste toujours présente en coulisses pour moi » Mohamed Diawara

  • À 22 ans, comment La Touline a-t-elle changé votre vie ? Quels arguments utiliseriez-vous pour encourager un autre jeune à contacter l’équipe ?

M.D. : Aujourd’hui, je suis en contrat à durée indéterminée (CDI) comme technicien polyvalent à la MECS de Saint-François-de-Sales. Je me suis formé à ce métier et je suis très heureux de travailler pour la Fondation Apprentis d’Auteuil qui m’a tant aidé. Pour moi, c’est un moyen de leur rendre ce qui m’a été donné. J’aime beaucoup rester en relation avec l’équipe qui m’a vu grandir et trouver ma voie. J’ai aussi le permis de conduire. J’ai un logement. Et je suis papa ! J’ai vraiment le sentiment d’avoir trouvé ma place. Je sais que l’équipe de La Touline reste toujours présente en coulisses pour moi. Lorsque j’ai une nouvelle démarche à faire et que je ne sais pas comment m’y prendre, il me suffit d’appeler pour avoir un rendez-vous et un coup de main. Leur porte est toujours ouverte. C’est ça que j’ai envie de dire à un jeune : à La Touline, l’équipe est là pour toi, pour t’aider, va les voir, il ne peut en sortir que du positif !

Sources

– Publications de l’ÉLAP (Étude sur l’accès à l’autonomie des jeunes placés) dispo​​​​​​​nible ici.

– Communiqué de l’INED (Institut National des Études Démographiques​​​​​​​

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